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Art-thérapie et structures (santé, accueil)


Article "Art-thérapeute en soins palliatifs"

 

 

AU COEUR DU METIER

Art-thérapeute en soins palliatifs

Florence Girard, art-thérapeute et infirmière au CHU de Toulouse, explique les bienfaits de sa pratique en soins palliatifs, un service où les patients ont besoin de continuer à exister au travers de l'écriture, de peinture ou du dessin... et de tous les autres médiats.

art peinture toile

S'exprimer grâce à l'art-thérapie en soins palliatifs

En soins palliatifs, l'approche du patient est bien différente de celles des autres services. En effet, sa pathologie et l’impact qu'elle peut avoir sur son quotidien occasionne la perte de son statut social et de sa place dans la famille. La mort approchant, elle éveille des angoisses matérielles ou métaphysiques. L'art-thérapie offre alors au patient une échappatoire aux craintes, au stress ou à la douleur  lui permettant de les transformer, les matérialiser, les cristalliser, les poser.

Les séances d’art-thérapie se déroulent obligatoirement sur prescription médicale. L’équipe mobile est appelée dans un service du CHU lorsqu’un patient est à un stade évolué d'une maladie incurable, en échappement thérapeutique ou s'il éprouve des douleurs chroniques non calmées par les antalgiques des divers paliers. Cette équipe se déplace en binôme médecin-infirmière et, après l'étude du dossier, rencontre les soignants (médecin, infirmière, aide-soignante, ASH) puis le patient pour une évaluation globale (état physique et psychique). En fonction de ses goûts, le binôme propose, si besoin, des adaptations thérapeutiques ainsi que des séances d’art-thérapie s’il le désire. Quelques jours plus tard, je retourne seule voir ce patient. Je lui demande où en sont ses douleurs avec le traitement proposé et je me présente (ici, c'est l'infirmière clinicienne qui parle). J'introduis également l’art-thérapie, définis le cadre, les contours de l’atelier, le contenu, les règles du jeu de nos rencontres et les techniques que nous utiliserons. Le premier objectif est « d'apprivoiser » le patient pour qu'une relation de confiance s'établisse. En général, il fait un bilan de sa vie pour que je puisse mieux le connaître. Les maîtres mots de cette séance rencontre-partage sont écoute, empathie, congruence...

L’infirmière fait alors place à l'art-thérapeute et devient confidente, réceptacle et catalyseur. Elle est celle par qui l’expression pourra naître et se transformer en peinture, dessin, écriture... L’art-thérapie devient alors un moyen de parler la même langue. Volontairement, le soin technique est mis de côté au profit du soin de « soi » avec une idée de réparation de l’estime et de la confiance en soi, deux choses que le soin technique n’est pas en mesure d’apporter. Le fait que cela se passe dans la chambre d’hôpital décuple l’adhésion du patient qui bénéficie de cette « bouée » de sauvetage qu’on a bien voulu lui envoyer. Ainsi, on ne se sent plus objet de soin mais à nouveau acteur, explique un patient.

L'art-thérapie en soins palliatifs dure quelques séances, deux ou trois, guère plus. Le temps est malheureusement compté mais cela suffit pour recueillir l’essentiel de ce que veut dire ou laisser le patient. Le plus souvent, ce dernier est conscient qu'il est au bout du voyage. Il souhaite donc « transmettre » une lettre, un poème, un mot, un silence, un secret qui se trouvent alors chargés d’une valeur testamentaire avec une idée de legs et d’héritage.

Quand vous êtes là, on a moins mal

L'art-thérapie en pratique

Durant mes séances, j'ai croisé le chemin de M. C et de Gaëtan, deux patients différents de par leur âge et pathologie mais pour qui l'art-thérapie fut réellement bénéfique...

M. C. est atteint d’une leucémie au stade terminal. Il vit en couple depuis fort longtemps avec M. G avec qui il a adopté un fils qui a maintenant dix sept ans et, adolescence oblige, le contact est compliqué. M. C va mourir et il le sait. Il veut dire des choses à son fils qui ne peut les entendre. Nous allons nous rencontrer trois fois deux heures en trois jours car le temps presse. Que dire ? Comment ? Pourquoi et quand ? Telles sont les questions qui taraudent M. C. Première rencontre : il pose son histoire de vie, ses désirs, ses joies, ses peines et cet amour immense qu’il veut léguer à l’adolescent secret et en révolte. L’écriture sera donc le médiat. Nous choisirons ses mots, ses sentiments, ses images puis nous les poserons sur le papier. Une nuit pour réfléchir ajouter, enlever, corriger et le troisième jour, il écrira la forme définitive que nous donnerons à son compagnon qui lui-même l’offrira à leur fils quand le jour sera venu, lorsqu’il aura grandi et sera en âge de comprendre et d’accepter. M. C partira sur une autre Unité de Soins Palliatifs (USP), apaisé, heureux d’avoir enfin pu dire et léguer. Deux jours après son admission, il ne sera plus de ce monde...

Gaëtan a dix-neuf ans. Son cerveau est envahi de schwannomes (kystes bénins) qui lui font perdre petit à petit la vue, l’ouïe, l’usage de la marche et de la parole. Quand je le rencontre, il faut déjà l’apprivoiser, apprendre à le connaître puis choisir le médiat. Il peut encore écrire sur une ardoise et conserve un peu de sensibilité dans les mains alors nous choisirons la terre. Il fera un affreux petit cendrier mais peu importe car symboliquement, cet objet est le cadeau d’amour d’un enfant malade à ses parents qui l’accompagnent depuis quatre ans vers une mort certaine. La production quelle qu’elle soit n’a pas forcément de valeur esthétique mais une force symbolique immense. Le médiat est un langage pour dire autrement que par des mots ce qui veut, peut et doit être dit.

On ne se sent plus objet de soin mais à nouveau acteur

Infirmière et art-thérapeute : des compétences complémentaires

Issue d'une formation littéraire classique, je suis devenue infirmière à l'âge de vingt-trois ans. Après plusieurs expériences, j’ai passé cinq ans en psychiatrie dans un foyer de vie pour adultes handicapés où j’animais un atelier de peinture. La psychiatre de mon service m’a alors encouragée à passer un DU d’art-thérapie. Il s’agit d’un Diplôme Universitaire de psychiatrie, psychothérapie médiatisée et créativité. Durant deux ans, nous étudions les grands fondateurs psychanalystes et psychiatres  : Freud, Lacan, Mélanie Klein, Winnicott et, plus près de nous, Jean-Pierre Klein ou Anne Boyer-Labrouche pour ne citer qu’eux. Dispensé à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, ce DU a son équivalent à Paris Descartes, Tours ou plus récemment à Arles.

L’art-thérapie se développe autour du processus artistique en essayant de courtiser l’imaginaire, susciter des émotions, des sensations, des parfums afin que le patient leur donne forme, couleur ou expression. Le métier d'art-thérapeute est très adaptable, riche, positif et utile à la personne en souffrance. Ce domaine dont on parle presque à voix basse est assez méconnu. Pourtant, un hôpital peut avoir intérêt à embaucher une infirmière art-thérapeute en Équipe Mobile Douleur et Soins Palliatifs (EMDSP), tout comme il peut être intéressant pour une infirmière travaillant en soins palliatifs de se former à l'art-thérapie. Cela peut lui permettre de monter en compétences mais aussi de savoir comment aller à la rencontre de l'autre, l'encourager, lui parler ou encore l'écouter, le soigner différemment aussi.

Ces dernières années, l'art-thérapie a été présentée comme un nouveau métier et outil novateur au service de l'humain devenu patient. Elle a pourtant fait ses premiers pas dans l'Antiquité où on lui avait déjà reconnu le pouvoir de canaliser l' « énergie des fous ». Bien connue et répandue en psychiatrie, avant Freud et bien après lui, on l’utilise plus que jamais de nos jours et notamment maintenant dans les services de soins palliatifs. L'art-thérapie reste donc une discipline jeune et doit s’adapter, trouver sa place, ses marques, son rôle, sa force mais aussi ses limites. Au CHU de Toulouse où je travaille, la combinaison des savoirs a permis à l'art-thérapie d’être accueillie puis reconnue, appréciée, demandée et redemandée.

L’infirmière fait place à l'art-thérapeute et devient confidente, réceptacle et catalyseur. Elle est celle par qui l’expression pourra naître et se transformer en peinture, dessin, écriture...

Il y a de plus en plus d’art-thérapeutes. L’art-thérapie est un métier peu balisé, sans réelles lettres de noblesse. Aussi, il est bien difficile de lui trouver un cadre réel reconnu et sérieux. Il est également presque impossible de dégager un consensus qui mettrait tous les thérapeutes d’accord autour d’un référentiel ou d’un guide de bonnes pratiques. Seule la Fédération française des arts thérapeutes (FFAT) dispose d'un code de déontologie qui répond à ses propres critères, même chose pour PROFAC (Arles). Sous l’égide du réseau de cancérologie de Midi-Pyrénées (ONCOMIP), j’ai essayé d’animer un groupe de travail autour de ce sujet. Le résultat a été peu concluant... Je me suis alors concentrée sur un tout autre domaine : les soins palliatifs à l’hôpital en USP ou EMDSP. Quatre années d’expérience m’ont ainsi appris le rôle que l'art-thérapie pouvait jouer. En soins palliatifs, il n'est pas nécessaire de trouver un consensus puisqu’il y a obligatoirement des IDE formées aux soins palliatifs (DIU) et rien ne les empêche de passer un DU d'art-thérapie. Le fait d'être passionné (e) de peinture, dessin, musique ou d'un autre domaine artistique peut être un réel atout. C’est une combinaison qui fonctionne bien et qui se résume à DE+DU+DIU  (diplôme d’état d’infirmière + diplôme universitaire de psychiatrie art-thérapie +  diplôme interuniversitaire de soins palliatifs et d’accompagnement).

L'art-thérapie contribue de façon positive à changer ou à embellir un séjour à l’hôpital pour un patient qui, suivant la formule consacrée, « passe en  soins palliatifs » comme si tout plaisir lui était désormais interdit... Or, n’oublions jamais que tant que la vie est là, la lumière ne s’éteint pas.

Distinguer l’art-thérapie moderne de l’art-thérapie traditionnelle

Aujourd’hui, l’art-thérapie prend de plus en plus d’importance dans les secteurs sanitaires, médico sociaux et éducatifs. De nombreuses facultés de médecine enseignent cette discipline. Cependant, elle est souvent présentée sous une forme de psychothérapie.

Il semble alors nécessaire de préciser que l’art-thérapie moderne n’est pas une spécialité mais une discipline à part entière comme l’orthophonie ou l’ergothérapie et en cela elle répond aux règles tant scientifiques que déontologiques des activités paramédicales officielles. De plus, l’art-thérapie moderne représente aujourd’hui l’essentiel de la pratique de cette discipline (plus de 1 500 diplômés à ce jour).

Signalons qu’aujourd’hui, les responsables d’institutions et les médecins prescripteurs ne découvrent plus l’art-thérapie moderne. Elle semble passée dans les mœurs de la prise en charge des patients. Les exigences actuelles sont centrées sur la confirmation du sérieux, de la compétence et de l’originalité du professionnel. Cela se révèle généralement dans la nature et la qualité des protocoles de soins. Ceux-ci mettent en évidence tant la précision des objectifs thérapeutiques, l’adaptabilité des stratégies thérapeutiques que les modalités évaluatives et les qualités scientifiques de celles-ci. L’art-thérapie moderne n’est donc en rien une psychothérapie.

Extraits du communiqué de l'AFRATAPEM

Creative Commons License

Art-thérapeute infirmière en équipe mobile douleur et soins palliatifs CHU de Toulouse Membre AFSOS, SFAP et ONCOMIP...

 


10/06/2014
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Malades d'Alzheimer: l'art comme thérapie (Le Parisien)

Publié le 24.09.2012

 

(AFP) - Visites au musée, ateliers de musique, peinture sur soie: un nombre croissant de centres d'accueil pour malades d'Alzheimer proposent des ateliers "d'art-thérapie" aux bénéfices multiples pour les patients, en l'absence de traitement véritablement efficace."Face à des médicaments qui ne guérissent pas, il nous reste les traitements non médicamenteux pour lutter contre les complications, resocialiser et revaloriser le patient", explique la gériatre Florence Bonté, responsable de l'hôpital de jour psycho-gériatrique de la Fondation Sainte-Marie à Paris.
 

Emile, 79 ans, qui souffre d'Alzheimer depuis six ans, est particulièrement fier de son petit plateau de céramique, confectionné lors d'un des ateliers organisés par cette fondation située à Paris et dont la mission est d'aider les personnes dépendantes et malades.
"Mon mari était un grand bricoleur avant sa maladie. Il ne peut plus rien faire aujourd'hui. Ce petit plateau lui a rendu sa fierté", témoigne sa femme Monique.
Les bénéfices de l'art-thérapie sont nombreux. Le premier d'entre eux est sans doute de permettre aux patients de renouer la communication avec l'entourage, explique Dr Bonté.
"Dans les ateliers d'art-thérapie, on voit des patients qui se remettent à parler, à s'exprimer, à émettre des opinions", explique la gériatre.
L'autre bénéfice observé concerne la concentration. Les participants à un récent atelier de céramique organisé à la Manufacture de Sèvres sont sans problème restés concentrés pendant près de deux heures, le temps de la séance, chose qui ne leur arrivait plus chez eux, témoigne Laurence Lods, organisatrice de l'atelier.
"L'anxiété et la dépression vont être apaisés par ces pratiques parce que le patient va devenir acteur, va produire quelque chose, va pouvoir montrer un objet, un dessin à sa famille", explique le Dr Bonté.
Promoteur d'une méthode de soin par la musique, Stéphane Guétin souligne que de nombreuses études démontrent l'intérêt de la musicothérapie dans le traitement de l'anxiété et de la douleur.
La musique n'est pas qu'un agréable passe-temps pour malades âgés: "Elle permet d'éviter la dépression et le recours aux anxiolytiques, et agit aussi sur l'agitation et l'agressivité", explique-t-il.
Ces ateliers de musicothérapie figurent parmi les recommandations de la Haute autorité à la Santé (HAS) pour la prise en charge des malades d'Alzheimer.
"L'une des composantes essentielles de la maladie d'Alzheimer sur laquelle la musique va avoir un impact, ce sont les troubles affectifs. La personne sera valorisée, aura une meilleure estime de soi et parviendra à une meilleure socialisation", explique M. Guétin.
"Le but de l'art-thérapie c'est avant tout de favoriser la qualité de vie. Des indicateurs montrent qu'en améliorant la qualité de vie, en réduisant l'anxiété et la dépression, on réduit l'importance des troubles cognitifs chez les malades d'Alzheimer", indique-t-il.
Actuellement 860.000 personnes souffrent en France de cette forme de démence, soit une personne sur dix après 65 ans. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime dans le monde à 35 millions les malades de démence (dont Alzheimer est la forme la plus fréquente), chiffre qui devrait tripler d'ici 2050.
 

 

 


09/07/2013
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